la libre pensée est-elle islamophobe ?

Est-ce un hasard si Edwy Plenel (maître d’œuvre d’un média où se reconnaît une grande partie de la gauche alternative française) commence son plaidoyer « Pour les musulmans » par la mise en examen d’une phrase (« Il y a un problème de l’islam en France ») d’Alain Finkielkraut, un intellectuel juif, que l’on présentera ensuite comme un parangon de « l’islamophobie » qui s’épanouirait dangereusement dans notre pauvre pays ? Vivons-nous dans un monde tellement tranché, sinon tranchant, que l’on ne pourrait plus tenter un plaidoyer pour les uns (les musulmans) sans commencer par un réquisitoire contre les autres (qu’on vilipendera sous l’étiquette « d’islamophobes ») ?

Moi qui ne suis qu’un citoyen lambda, m’accuserait-on de quelque odieux déicide si je me déclarais athée, exprimais le sentiment qu’il y a un problème avec le retour de la théocratie en France, un problème avec la manière dont certains prétendent appréhender sinon régir le monde physique au nom d’un pari métaphysique, qui théoriquement ne devrait engager que le parieur ? M’accuserait-on d’une intolérable « théophobie », si je me permettais de proposer une approche critique non seulement de l’idéologie religieuse en général mais de tout prosélytisme religieux particulier qui prétendrait s’appuyer sur son Dieu pour m’en imposer, à moi, à certains de mes compatriotes ou à toute la société ? Et si aujourd’hui, c’est le prosélytisme islamiste qui est le plus actif, le plus dynamique, et parfois le plus virulent, serait-il anormal qu’un libre penseur ou tout citoyen lambda s’en inquiète, comme naguère la République s’inquiéta de l’emprise que l’Eglise catholique prétendait avoir sur elle ?

Si de nombreux musulmans de par le monde ont le courage de rendre publique leur dénonciation des crimes (dont pour l’essentiel sont d’abord et surtout victimes des musulmans) commis par telle ou telle organisation islamiste au Moyen-Orient ou en Afrique au nom de l’islam, c’est qu’ils estiment, sans doute à juste titre, que c’est aux musulmans d’éclairer par leurs lumières les sombres agissements que certains prétendent tirer du Coran.  Ce n’est certes pas à des athées ni à des membres d’autres cultes de prétendre donner des leçons d’islam à des musulmans. C’est bien aux musulmans s’honorant de l’être qu’il incombe d’éclairer l’islam afin que par leurs paroles et leurs actes, il paraisse à tous le phare de paix et d’amour qu’il est à leurs yeux et puisse trouver sa place dans une société laïque de tolérance mutuelle entre croyants et non croyants.

Face aux crimes commis par certains au nom de l’islam, on peut certes rappeler les tragédies ou les horreurs passées dont nulle société ou civilisation (religieuse ou athée) ne fut exempte, pour conclure au « rien de nouveau sous le soleil » (de Satan ou de Dieu, l’un n’allant jamais sans l’autre). Il n’en demeure pas moins que, actuellement, c’est la religion musulmane qui est invoquée, ici et ailleurs, tant par d’habiles et conquérants idéologues que par des terroristes ou des massacreurs divers. Il est donc normal qu’elle soit questionnée, ici et ailleurs, comme le serait tout prosélytisme idéologique reposant sur un pari métaphysique ou politique au nom duquel on prétendrait régir la vie sinon terroriser le quotidien des gens.